HISTORIQUE :
Les fours à chaux existent depuis l'Antiquité. Ce furent d'abord de simples trous dans la terre, mais déjà les Romains savaient en construire en briques réfractaires. Ils se servaient aussi des pierres à chaux brutes pour le pavement des voies, d'où le mot "chaussée". Jusqu'à la fin du XVIllème siècle, la chaux, issue de la pierre calcinée, fut essentiellement utilisée dans la construction. L'industrie chaufournière va prendre son essor au XIXème siècle, d'une part avec la découverte de mines de charbon qui, comme combustible évitera les destructions massives de bois précédentes, et d'autre part avec la pratique des amendements agricoles.
Suivant leur mode de fonctionnement, plusieurs types de fours ont été décrits - à calcination périodique ou continue, à courte ou à longue flamme. Celui qui nous intéresse est à calcination continue et à flamme courte, dit "four coulant".
DESCRIPTION :
Le four implanté près de Senouche se présente sous la forme d'un petit bâtiment d'une emprise au sol d'environ 40 m2, prolongé d'une rampe d'accès d'environ 60 m.
Edifié de pierres de granite grossièrement appareillées, il s'ouvre au Nord par une voûte en briques (porte de décharge). Il est encadré par deux imposants contreforts destinés à renforcer la maçonnerie et à contrebalancer la forte poussée exercée à la fois par la masse du remblai et par celle due à la dilatation de la cuve sous l'effet de la chaleur lors de son fonctionnement.
Adossée au remblai, la rampe d'accès en pente douce permettait aux chariots d'accéder à la partie supérieure pour décharger dans le gueulard charbon ou pierres. Le four lui même, de forme ovoïde, est revêtu d'un parement de briquettes.
Types de four coulant
DATATION du Four à chaux :
Par rapport à la grande époque de cette petite industrie (1 9ème siècle), le four de Senouche est de construction tardive et ne fonctionna que peu de temps.
Etablissements classés insalubres, de tels édifices nécessitaient une autorisation préfectorale. En existait-il un plus ancien ? Toujours est-il que le plan en fut déposé en Mairie au début du siècle et que bien sûr son activité cessa à la guerre de 1914. De toute façon, l'industrie chimique des engrais avait déjà pris le relais.
Autour du bourg, à la faveur de travaux - dégagement pour le terrain de tennis, par exemple - de larges dalles blanches et pratiquement plates sont encore exhumées sous la couche de terre arable.
Aujourd'hui, ces pierres à chaux ne servent guère à ST-ROMAIN qu'à préserver le toit des ruches de la fureur du vent. Mais après tout, protéger les abeilles, n'est-ce pas une noble mission ?
USAGE du Four à chaux :
Les usages de la chaux sont multiples (de la construction à la savonnerie) mais sont fonction de sa qualité et celle-ci dépend pour beaucoup du type de four utilisé. On devine les inconvénients du four coulant : obligation de stockage de la chaux à l'abri de l'air et de l'humidité et surtout un produit rendu impur par les résidus de combustible , le mélange était impropre à un usage dans l'industrie et la chimie, encore que, pour la construction, le "Manuel du Chaufournier" (1836) indique que la "cendrée de chaux" bien tamisée, passée à la dame (mais quel travail !) fait un excellent mortier résistant aux injures du temps.
Le produit de Senouche a dû servir essentiellement aux amendements des terrains, en particulier ceux de la Côte Roannaise. La chaux était vendue vive, entre autres aux vignerons, qui, à l'aide d'un apport d'eau, la transformait en chaux éteinte de façon à obtenir une cendre d'épandage.
L'eau provoque un échauffement (très caustique) et une vaporisation. Le transport se faisant en charrette, il fallait guetter les nuages, gare à la pluie...
FONCTIONNEMENT :
Ce type de four s'allumait pour plusieurs mois, durant la belle saison. Le reste du temps était mis à profit pour nettoyer et restaurer le four, pour extraire et concasser la pierre.
En effet, les blocs étaient fractionnés en cailloux de la taille d'un poing au moyen d'une massette, souvent à manche de houx (pour sa souplesse). On préparait le four à la base en posant quelques fagots sur des grilles, puis des couches alternées de charbon et de pierres concassées étaient disposées jusqu'au sommet. On fermait le gueulard par de la terre, sans oublier de ménager une cheminée au centre pour le tirage.
Vers 1945, ces grilles ont dû être sciées pour retirer une vache tombée dans le four par le gueulard. Elle n'en n'aurait même pas trop souffert.
Par grand vent, celui-ci était réduit en ajoutant de la terre au niveau de la cheminée. De fait, il fallait surveiller le four nuit et jour. Les fagots allumés, le feu se transmet à la première couche de charbon, puis à travers les pierres à la seconde ; la première couche de pierres transformée en chaux se refroidit tandis que les supérieures se réchauffent par les gaz brûlés.
Après une longue cuisson, on retirait à la base du four quelques échantillons en fusion qui en tombant devaient se réduire en cendres. Si le résultat était concluant, on retirait ainsi la quantité demandée, Le four était aussitôt rechargé en charbon et en pierres de façon appropriée. Un chaufournier ne devait craindre ni la chaleur ni la fumée.